Communications

 

Que nous apprend la pratique du skateboard chez le nouveau-né sur l'ontogenèse de la locomotion humaine ?

Marianne Barbu-Roth, Integrative Neurosciences and Cognition Center, Université Paris Cité et CNRS 

 L’avènement de la marche à quatre pattes vers l’âge de 8-10 mois puis de la marche érigée quelques mois plus tard sont des étapes essentielles et très étudiées dans le développement de l’enfant. Bien que non autonome, le nouveau-né est lui aussi capable de se déplacer en position bipède ou quadrupède dès la naissance. S’il est laissé en peau à peau au contact du ventre de sa mère, il est en effet capable de ramper en position ventrale jusqu’au sein maternel.  Soutenu sous les aisselles en position érigée, il peut également se propulser sur ses deux jambes et soutenu dans l’eau, il effectue de remarquables mouvements de nage avec ses quatre membres.  Ces différentes formes de propulsions primitives sont beaucoup moins étudiées sans doute car elles sont encore considérées comme de simples réflexes sous corticaux, destinés à disparaître rapidement après la naissance et sans aucun lien avec la marche mature. Lors de cet exposé, je présenterai différentes études suggérant que, loin d’être de simples réflexes, ces formes primitives de la locomotion sont déjà des activités complexes, contrôlables à un niveau supra spinal et potentiellement précurseurs de la marche mature. De plus, des recherches récentes suggèrent que ces différentes formes de propulsion du nouveau-né partageraient des schémas locomoteurs similaires à ceux décrits lors de la locomotion quadrupède chez les animaux et les adultes humains. Ces recherches ouvrent des pistes totalement nouvelles pour élaborer des stratégies de réhabilitation utilisables dès la naissance chez des enfants à risque de développer des retards locomoteurs. Cette question sera discutée à la lumière d’une étude pilote que nous avons initiée chez des grand prématurés où nous avons testé la faisabilité et l’effet d’un entraînement précoce de leur marche quadrupède sur un mini skate dès leur sortie de néonatologie pour stimuler leur développement moteur et locomoteur.

 

Impact des perceptions affectives induites par des images sur les processus d’organisation de la locomotion : de l’adulte à la personne âgée en bonne santé.

L. Fautrelle1, S. Vieillard, S. Longuet, V. Dru, S. Vernazza-Martin

1Tonic, Inserm, université Champolion Rodez

De nombreuses études comportementales dans le champ de la psychologie suggèrent qu’il existe des relations entre le contexte émotionnel perçu par le cerveau d’un individu et la manière dont celui-ci va contrôler les différents mouvements du corps humain lui permettant d’interagir avec son environnement (Lang 1995 ; Shadmehr 2010). Au quotidien, la locomotion est l’une des formes motrices de ces interactions qui relève pour le système nerveux central (SNC) un double objectif : se déplacer (objectif intermédiaire) pour réaliser une action (objectif final). Pour ce faire, le SNC doit mettre en œuvre une succession de processus pour planifier la séquence d’actions, programmer les commandes musculaires et contrôler la locomotion dirigée vers un objectif. Dans une première étude, l’objectif des auteurs fut de déterminer si les valences émotionnelles des images perçues, et des conséquences finales de l’action à réaliser, pouvaient moduler la manière dont le SNC contrôlait le corps humain. Dans cet objectif, 20 sujets jeunes adultes ont reçu la consigne d’effacer une image issue de la banque de donnée IAPS qui était projetée sur un mur. Pour ce faire, les participants devaient marcher en direction d’un bouton poussoir situé 5 m devant eux en direction de l’image pour le presser et éteindre l’image (Vernazza-Martin et al. 2015). Un premier résultat révèle que les temps de mise en mouvement locomoteur ainsi que la trajectoire spatiale du déplacement étaient significativement impactés par les différentes conditions de perception affectives induites par les images. Chez ces participants, au regard des 2 grands champs théoriques de la modulation affective des actions motrices (contexte approche/évitement de Lang 1995, et théorie motivationnelle de Shadmehr 2010), ces résultats démontrent que la perception affective de l’objectif intermédiaire (« me déplacer vers le bouton ») est priorisée comparativement à la perception affective de l’objectif final (« éteindre l’image en appuyant sur le bouton »). Pour aller plus loin, en utilisant le même paradigme expérimental et dans une optique de transfert dans les méthodologies de réhabilitation, nous avons investigué l’évolution de ces interactions avec l’avancée en âge en bonne santé. En effet, de nombreuses études antérieures ont mis en évidence des interactions entre l’avancée en âge, la perception des valences affectives et les performances de processus cognitifs (Charles et al. 2003). Cependant, peu/pas d’étude(s) à notre connaissance n’avait traité ces liens d’interaction dans le domaine de la motricité. Nos résultats de cette seconde étude ont permis de dupliquer nos résultats antérieurs, et de les étendre à une population de personnes âgées en bonne santé.  

 

Comment la marche vient aux enfants ?

Blandine Bril, Directeure d'études, École des Hautes Études en Sciences Sociales  

Moment clef dans le développement de l’enfant la marche autonome reste une acquisition dont les débuts demeurent énigmatiques, souvent présentés comme directement sous la dépendance de la maturation du système nerveux. Cependant invoquer le développement neurologique tout en acceptant qu’un écart conséquent puisse caractériser l’âge des premiers pas est-il vraiment satisfaisant ? Partant d’une description précise de l’activité locomotrice de la marche, nous examinerons la manière dont le tout-petit, construit une solution motrice appropriée aux contraintes de la locomotion bipède particulière aux humains. Nous montrerons qu’une approche en termes de forces propulsives (qui engendrent le mouvement du corps vers l’avant) permet de mieux comprendre la mise en place de cette activité motrice nécessitant des années d’expérience avant de parvenir à la fluidité caractéristique de la marche adulte. Cette approche dite « fonctionnelle » a aussi l’avantage de permettre de mieux comprendre l’adaptations à des contextes environnementaux variés mise en œuvre lorsqu’il est question de négocier un parcours incliné, de passer un obstacle ou de monter des marches d’escalier.  Cette approche permet aussi de mieux comprendre comment un enfant atteint d’un handicap moteur parvient à trouver des solutions de marche adaptées.

 

 

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